PRADO : Programme de Retour A DOmicile… Qu’en pensent les IDEL ?

Six ans après le déploiement des premiers Prado (Programmes de Retour à DOmicile), les infirmières libérales restent méfiantes vis-à-vis de ces protocoles. Pourtant, le dispositif semble faire ses preuves. « L’idée est peut-être bonne, mais sa réalisation en ville est plus chaotique. Nous ne comprenons d’ailleurs pas l’utilité de ces programmes. Les patients non plus », analyse Antoinette, une infirmière libérale qui exerce près de Grenoble.

L’utilité ?

« Améliorer la prise en charge en post-hospitalisation, réduire le délai d’intervention des professionnels libéraux, réduire aussi la durée moyenne de séjour ainsi que le recours aux établissements de soins de suite et de réadaptation et réduire le nombre de ré-hospitalisations à court et moyen-termes », explique l’Assurance Maladie dans ses plaquettes de présentation.

Lancé en 2010, le Prado concernait initialement les prises en charge des sages-femmes libérales en sortie de maternité. L’idée ? Les mères intègrent le programme et bénéficient de plus de visites à domiciles pour surveillance. Contrepartie ou avantage, selon le point de vue : elles sortent sensiblement plus tôt de la maternité.
Depuis, les Prado se sont étendus aux disciplines d’orthopédie (2012) et de cardiologie (Insuffisance cardiaque, 2013). Puis aussi en expérimentation à la pneumologie (BPCO, 2015), aux plaies chroniques (fin 2015) et aux personnes âgées (2016). Les infirmières libérales sont donc pleinement concernées.
Contactées directement par une conseillère de l’Assurance maladie qui s’occupe de la coordination hôpital-maison, elles peuvent être amenées à prendre en charge des patients qui relèvent de ces protocoles et qui sortent de l’hôpital. Dans certains cas, les patients n’ont plus besoin de soins. Juste d’une surveillance difficile à mettre en œuvre dans d’autres circonstances.

Un meilleur suivi

Côté hôpital, ces protocoles seraient plutôt appréciés. « Quand un patient sort de l’hôpital avec le dispositif Prado, nous sommes certains qu’il sera suivi en post-opératoire par un kiné et une infirmière. En dehors du programme, ce n’est pas toujours si évident », explique Laëtitia De Sousa, cadre supérieur de santé au Centre Hospitalier de Paray-le-Monial, qui expérimente depuis Juin 2015 le protocole Prado Orthopédie.
Et si ce suivi garantit une meilleure adhésion pour une prise en charge à domicile, il permet aussi aux services d’anticiper les sorties. « Quand le dispositif est programmé en amont de l’hospitalisation, pendant la consultation avec le chirurgien par exemple, la CPAM peut organiser immédiatement la sortie. Nous ne nous retrouvons plus dans la situation de garder un patient simplement parce qu’il n’y a pas de relais en ville », ajoute Laëtitia De Sousa.

Côté libéral, les avis sont plus mitigés. Certaines, comme Antoinette, craignent le détournement de patientèle. « Pour une intervention de genou programmée, une patiente m’avait demandé de lui garder une place. Au moment de la sortie, la coordinatrice de l’hôpital m’a expliqué qu’une autre infirmière avait été contactée dans le cadre du protocole Prado. Tout était organisé, c’était trop tard », se souvient-elle, amère. « Dans les textes, ce détournement de patientèle ne devrait pas avoir lieu. Il y a des dérives », ajoute l’infirmière. Anne-Marie, infirmière libérale en région parisienne, confirme, évoquant l’obligation de se former pour certains protocoles Prado. « J’ai suivi une formation en e-learning obligatoire pour une inclusion d’un patient dans un protocole Prado Insuffisance cardiaque. Comme j’étais la seule sur mon territoire à avoir accepté de suivre cette formation, j’ai récupéré, sans vouloir leur voler évidemment, les patients de mes collègues », explique-t-elle.

D’un Prado à l’autre, les avis divergent

Selon les protocoles, les infirmières libérales sont plus ou moins convaincues. Ainsi, Anne-Marie, qui a pris en charge des patients dans le cadre des Prado BPCO, Insuffisance cardiaque et Orthopédie, n’a vu l’utilité côté ville, que sur son patient cardiaque. « Il n’aurait pas eu ce suivi et cette surveillance très poussés en dehors du protocole, admet-elle. En revanche, ça ne change rien pour les autres. À partir du moment où l’on se rend chez quelqu’un pour un soin, on effectue une surveillance de toute façon ».
Ce que regrettent aussi les libéraux, c’est d’être mal informés par les CPAM. Certains ne connaissent même pas l’existence de ces protocoles et sont surpris quand ils reçoivent une demande de ce genre.
Avec l’arrivée du dispositif Prado Plaies chroniques (trois établissements expérimentent actuellement ce programme), ils sont même inquiets. « Il y aura une référente hospitalière qui nous donnera des consignes. Nous ne voulons pas dépendre de cela. Nous voyons bien qu’il y a des difficultés dans la mise en place des autres Prado, que va-t-il se passer avec les plaies ? », s’interroge Virginie, une infirmière toulousaine.

Côté patients, il semblerait que le dispositif soit positif. Déjà, parce que le Prado est le seul programme qui ouvre des droits pour des aides ménagères et pour du portage de repas pour les moins de 50 ans. Ensuite, parce que l’organisation est connue à l’avance et que le nombre de ré-hospitalisations est réduit considérablement (c’est d’ailleurs l’un des objectifs du dispositif) par rapport aux patients non suivis.

source ACTUSOINS – janvier 2017
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