LE BSI VICTIME DE SON SUCCES ?

Il y a un an, le Bilan de Soin Infirmier (BSI) remplaçait la Démarche de Soins Infirmiers (DSI) dans le cadre de l’avenant conventionnel n°6. But de la manœuvre : faire disparaître la notion de temps passé au profit de la charge de soins dispensés pour sécuriser notre exercice. Le tout en incluant toutes les dimensions du soin infirmier, notamment la prévention et l’éducation. Problème : la pertinence du concept a un coût !

On le sait, le BSI se décline en trois forfaits journaliers selon le degré de dépendance de la personne : 13 euros pour les patients légers (BSA) ; 18.20 euros pour les patients intermédiaires (BSB) ; 28.70 euros pour les patients lourds (BSC). Par ailleurs, sa mie en place est échelonnée dans le temps :

– 1er janvier 2020 pour les seuls patients âgés de 90 ans et plus ;
– 1er janvier 2021 pour les seuls patients âgés de 85 ans et plus ;
– 1er janvier 2023 généralisation du BSI à l’ensemble des patients dépendants.

Définir les mesures de corrections nécessaires

Un calendrier censé permettre à l’Assurance Maladie d’avoir de la visibilité quant au coût financier du dispositif avec des clauses de revoyure à chaque étape en cas de dépassement ou de sous-consommation trop important (+/-10%) du budget estimé pour chacune d’elles. Et ce, en vue de s’accorder sur les mesures correctrices à mettre en œuvre pour corriger le déséquilibre et permettre la mise en œuvre de l’étape suivante.

C’est précisément ce mécanisme que la CNAM a récemment décidé d’activer à l’approche de la deuxième phase. Pourquoi ? Parce que la Caisse constate que les premiers éléments de suivi montrent une distribution des types de forfaits très éloignée de ce qui était attendu sur la base d’une expérimentation préalable au déploiement : la part des forfaits BSC s’élève à 40% en juin 2020 alors que la prévision n’était que de 25%.

Dans ces conditions, la tutelle doit appeler, ce mois-ci, les partenaires conventionnels à définir les mesures de corrections nécessaires pour permettre la poursuite du déploiement du BSI. En attendant, elle a diligenté, dès le mois de septembre, une enquête nationale auprès de 350 à 400 IDEL dont l’objectif est de repérer les difficultés dans l’utilisation du dispositif.

Pas de mauvaises réponses à de bonnes questions

Un scénario que ne goûte guère – c’est un euphémisme – les syndicats infirmiers, lesquels considèrent que la CNAM voit les choses par le petit bout de la lorgnette en se cantonnant à une vision statistique partielle basée sur la population la plus âgée et la plus inflationniste en termes de soins. Et d’avertir une renégociation à la baisse des forfaits BSI – lequel est un gage de transparence – n’est même pas envisageable. Toute mesure imposée de manière unilatérale par la CNAM aura des conséquences désastreuses sur la poursuite du dialogue conventionnel. Plus largement, le rigorisme de l’Assurance paraît plus que jamais déplacé à l’heure de la réforme du Grand âge et de la volonté de l’Exécutif de privilégier le domicile comme lieu de vie des personnes âgées, y compris dépendantes tant que cela est possible.

C’est pourquoi les syndicats qui attendent « sereinement » les conclusions de ladite étude, s’inquiètent fortement des conséquences qu’une révision ou un morcellement à la baisse induirait pour les prises en charge de ces patients âgés et fragiles. Ils n’accepteront pas que l’outil soit dévoyé pour répondre à une dictature des cases décorrélée des besoins des patients âgés et fragiles. Pour autant, le bras de fer ne semble pas encore inévitable dans la mesure où pour les syndicats, le changement de direction à la tête de la CNAM (en clair, le remplacement de Nicolas Revel par Thomas Fatome) ainsi que la prise en compte des éléments contextuels pourraient impacter positivement la gestion des dossiers. Avec, à la clef, une vision plus pragmatique et moins politique des enjeux qui exclurait, par exemple, la menace récurrente du coup de force, brandie par la CNAM dans le passé, consistant à passer par la voie réglementaire en cas d’échec des discussions.

En somme, si les prises en charge sont effectivement en corrélation avec les forfaits demandés, peut-être qu’en se posant les bonnes questions, on évitera d’y apporter de mauvaises réponses…

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