LITIGES ENTRE IDEL : PENSEZ A LA MEDIATION ET A L’ARBITRAGE

Les modes alternatifs de règlement des conflits se développent de plus en plus en France, notamment dans le cas de litiges entre professionnels de santé. Les infirmiers libéraux n’échappent pas à la règle. En cas de litige, les opposants ont en effet tout intérêt à opter pour la médiation et/ou l’arbitrage.

Les aléas de la vie professionnelle, auxquelles se greffe l’interaction de la vie privée, sont susceptibles de générer des rancœurs et des non-dits qui peuvent, comme dans toute vie commune, conduire des associés à un point de non-retour. La mésentente qui s’installe est alors telle que la séparation devient inévitable. Pour autant, pareille décision n’est pas forcément évidente et la gestion de cette séparation l’est encore moins, en particulier en raison des tenants et des aboutissants financiers qu’elle induit.

Des modalités de séparation rarement prévues

Parfois, les modalités de séparation sont précisées dans les contrats ou dans les statuts des sociétés. Cependant, lorsque l’on n’a pas rédigé de contrat, ce qui arrive encore, ou que celui-ci ne prévoit rien en la matière, ce qui est majoritairement le cas, comment faire alors même qu’aucune règle n’a été posée par écrit et que l’on ne s’adresse parfois même plus la parole ? Et ce, sachant que porter une affaire de séparation entre associés devant un juge est une procédure qui s’inscrit dans un temps long : deux ans, voire davantage si l’on va jusqu’en appel. En attendant, il faut se supporter !

Développement de modes alternatifs à la voie judiciaire

C’est pourquoi, pour éviter que ce genre de situation satisfaisante pour personne ne s’éternise, les modes alternatifs de règlement des conflits, comme la médiation et l’arbitrage, se développent de plus en plus. En pareil cas, la médiation est un moyen d’éviter l’aléa judiciaire, de maîtriser le temps et le coût d’un conflit. Aller en médiation, c’est en effet s’engager vers une solution sage et contrôler le cours du contentieux motivé par les griefs qu’en l’espèce, des professionnels de santé peuvent nourrir les uns envers les autres. En somme, chacun reste maître de ce qui va advenir, l’idée de la médiation étant de cheminer, avec l’autre partie, pour construire ensemble la solution, précisément avec l’aide du médiateur. A noter que la loi n°2016-1547 de modernisation de la justice du XXIème siècle, du 18 novembre 2016, ancre un peu plus la médiation dans le système juridique français. La justice poursuit ainsi un objectif de désengorgement. Il s’agit aussi de pouvoir consacrer plus de temps à l’instruction des dossiers qui le méritent.

Qu’est-ce que la médiation ?

La sortie d’un associé infirmier ou l’entrée d’un autre est l’occasion de mettre à jour les statuts et d’insérer, si tel n’était pas encore le cas, des clauses permettant de régler rapidement et efficacement des problèmes de ce type. Tout différend qui viendrait à se produire à propos de la validé, de l’interprétation, de l’exécution ou de l’inexécution, de l’interruption ou de la résiliation du contrat ou des statuts, fera ainsi l’objet d’une médiation.

Celle-ci sera conduite par une association ad hoc, un centre institutionnel ou un cabinet de médiateurs de proximité. Les parties s’obligent alors à trouver ensemble une solution à l’amiable au litige. Elles peuvent prévoir une alternative en cas d’échec de la médiation qui les conduira à s’engager dans un processus d’arbitrage.

Comment cela se passe…

1. Concrètement, quand un contentieux survient entre deux ou plusieurs Idel au sein d’une même structure, si une clause de médiation a déjà été rédigée, elle s’applique. S’il n’y en a pas, il est possible de conclure une convention de médiation formalisée en dehors du contrat d’association.

2. Les parties contactent alors un cabinet de médiateurs, si possible à proximité de leur propre structure. Celui-ci leur adresse une convention qui spécifie la nature du litige, le montant des honoraires et que les parties peuvent faire appel à un avocat. Chaque partie et chaque avocat reçoit ensuite une convocation puis tous se retrouvent dans un lieu neutre.

3. La réunion, qui peut se tenir chez le médiateur ou dans une maison des professions libérales (MPL) locale, dure envier trois heures. Le médiateur fixe les règles de conduite de la médiation, lesquelles doivent être acceptées. Le médiateur est neutre, impartial, indépendant. Il précise le déroulé de la démarche.

Il s’agit d’abord de faire ressortir les non-dits, les griefs et les arguments des protagonistes. Pour élaborer une solution, il est en effet indispensable que chacun exprime tout ce qu’il a sur le cœur ! Ce n’est qu’à cette condition qu’il peut être plus réceptif aux arguments de l’autre pour cheminer, avec l’aide de son avocat, à un compromis. Des entrevues peuvent également avoir lieu individuellement avec le médiateur, lors d’apartés, afin que la parole se délie plus facilement. Il s’agit d’aider chaque partie à formaliser plus clairement sa position et à préciser ce qu’à l’issue de l’entretien, elle autorise à transmettre à la partie adverse, de façon à progresser vers une issue acceptable pour tous.

4. Lorsque les deux camps sont d’accord sur une solution, leurs avocats respectifs la formalisent dans le cadre d’un protocole transactionnel. C’est cet accord amiable, fruit de concessions réciproques, qui va cristalliser cet accord pour étreindre le litige sachant qu’il est possible de demander au préalable l’homologation dudit protocole par un juge du tribunal judiciaire.

Par ailleurs, rien n’oblige à signer ce protocole dès la fin de la réunion qui a permis d’en définir les modalités. Soit les parties peuvent se retrouver quelques jours après pour ce faire ; soit une deuxième réunion de médiation peut être organisée sous huitaine ou sous quinzaine afin de parachever la rédaction du document et le signer. Il n’est en effet pas rare qu’il faille, entretemps, vérifier certains éléments comptables ou financiers, évaluer le matériel, demander un avis technique etc…

Les atouts de la médiation – et d’abord le fait que l’on garde la main sur la solution – expliquent son succès.

Arbitrage, mode d’emploi

1. Quand sont prévues, dans les statuts, une clause de médiation et une clause d’arbitrage ou une clause hybride comprenant les deux, avec l’enclenchement de la seconde lorsque la première échoue, dans la grande majorité des cas, les dossiers aboutissent à l’issue de médiation. Pourquoi ? Parce que nul n’ignore que si cette phase ne débouche pas sur une solution concertée alors c’est l’arbitre qui décidera, conformément aux règles de droit. Toujours est-il que l’arbitrage peut intervenir à la place ou à la suite d’une médiation.

2. Là, les parties sont entendues, avec leur avocat, par le ou les arbitres (lesquels sont des juristes à titre divers mais pas des magistrats en activité) auxquelles elles ont la possibilité de fournir des pièces du dossier. Comme pour la médiation, le temps consacré à l’exposé de l’affaire par chacune est beaucoup plus conséquent, ce qui garantit un traitement qui ne soit pas bâclé ou qui ne tienne pas compte de leurs intérêts légitimes.

3. A l’issue de l’audience, le ou les arbitres (toujours en nombre impair) rédigent, en leur âme et conscience, une sentence arbitrale. Celle-ci est rendue dans les semaines suivantes et est dotée d’une véritable valeur juridique dans la mesure où elle a autorité de la chose jugée. Elle peut être agrémentée d’une ordonnance d’exequatur qui lui confère les mêmes effets et la même force exécutoire qu’un jugement classique.

4. Enfin, la clause d’arbitrage peut prévoir que les parties soient habilitées à faire appel de la sentence arbitrale, en général devant le juge judiciaire mais aussi devant une instance d’arbitrage statuant en voie d’appel. Ce qui est une manière de conserver le double degré de juridiction. A l’inverse, il peut être également spécifié que les parties ne soient pas autorisées à contester la sentence arbitrale.

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