Nommé ministre de la Santé, le 16 février, pour succéder à Agnès Buzyn, qui s’est engagée dans la bataille municipale dans l’espoir de conquérir Paris, ce neurologue de 39 ans, député de l’Isère et soutien de la première heure d’Emmanuel Macron, a gravi les échelons quatre à quatre. Pour l’instant, sans accroc.
Neurologue du CHU de Grenoble, Olivier Véran n’a, paraît-il, pas l’intention de faire de vieux os en politique. Par sûr que son irrésistible ascension ne l’incite pas à prolonger son bail dans cette arène sans pitié, lui qui n’est pas du genre à se défiler. En atteste son acceptation de prendre la suite de l’emblématique Agnès Buzyn alors que l’hôpital est en ébullition, que l’épidémie de coronavirus frappe et que la réforme des retraites bat son plein. A propos de cette dernière, il a, pour l’instant, été le seul membre du gouvernement à évoquer clairement la possibilité d’utiliser l’article 49-3 pour faire passer le texte. C’est que l’homme n’est pas du genre à tergiverser. Alors jeune suppléant de Geneviève Fioraso (PS), il s’était fait connaître en entrant au Palais Bourbon en 2012 quand la titulaire du poste avait, elle, intégré les gouvernements Ayrault puis Valls jusqu’en 2015. Les occasions faisant les larrons, il en avait profité pour faire la rencontre d’Emmanuel Macron lors des discussions sur la loi Macron à l’Assemblée. Dans la foulée, il avait adhéré au mouvement En Marche ! Et ce, dès sa création jusqu’à devenir le référent santé du candidat à la présidentielle. La machine était lancée.
« Faire prendre le virage de la prévention »
Séduit par le « dépassement des clivages et de la politique politicienne » incarné par celui qui était encore ministre de l’Economie, Olivier Véran n’a eu de cesse de plaider pour, dixit, « faire prendre le virage de la prévention ». Un discours qu’il a aussi porté au Palais Bourbon en tant que rapporteur du volet prévention de la loi Santé avant de devenir l’incontournable rapporteur général de la commission des Affaires Sociales en 2017. Entretemps, il avait endossé le costume de conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes en 2016.
Ce macroniste de la première heure assure avoir « le cœur à gauche » et se présente comme « énergique », ce qui, à ses yeux, est sa qualité première autant que son défaut le plus prégnant. L’ancien vice-président de l’Inter-Syndicat National des Internes (ISNI) durant ses études de médecine, à Grenoble, est, bien sûr, marqué du sceau de l’hôpital. Il se plaît en outre à rappeler qu’il a financé sa formation en officiant comme aide-soignant, notamment en gériatrie. En parallèle de son clinicat, il a suivi un master en gestion et politique de santé à Sciences-Po Paris, consacrant son mémoire aux déserts médicaux. Le jeune chef de clinique en neurologie vasculaire développa également un hôpital de jour pour favoriser les prises en charge ambulatoires.
Comme on pouvait s’y attendre, dans son discours prononcé, le 17 février, lors de la passation de pouvoir d’avec Agnès Buzyn, celui qui a également été rapporteur du volet organique de la réforme des retraites (celui sur l’équilibre financier), s’est appesanti sur l’hôpital actuellement en plein crise. Extraits : « Hôpital : redonner du sens aux plus belles missions qui puissent être par une remédicalisation des décisions, par un retour aux fondamentaux de l’exercice des missions hospitalières, par un allègement des contraintes qui n’apportent rien aux malades mais prennent trop d’énergie aux soignants. Associer ceux qui font l’hôpital aux décisions qui les concernent, à commencer par la répartition des efforts sans précédent de la nation à travers la reprise de dette de 10 milliards. Deux autres priorités pour l’hôpital, la transparence et la réforme du financement déjà bien amorcées mais qui doivent désormais accélérer. Réformer l’hôpital et y associer ceux qui le font au quotidien. » Et d’avertir qu’une grande enquête nationale allait être prochainement lancée « pour consulter tous les hospitaliers, directeurs, médecins, infirmiers, aides-soignants, brancardiers (…) pour tenter de saisir en détail le sens de leur engagement auprès du public et les raisons du mal être ». Comme si ces dernières étaient inconnues des tutelles…
« Il ne devrait pas être à la merci des technos »
Mais que l’on se rassure, désireux de ne pas s’attirer d’emblée les foudres de qui que ce soit, Oliver Véran n’a pas oublié de flatter les professionnels de santé libéraux : « Ces missions, ce don de soi, on les retrouve tout autant en secteur libéral. Seule la façon de s’organiser dans le soin change, le cœur de l’engagement est le même et je ne voudrais pas laisser penser qu’il y aurait des vocations à deux vitesses. Nous sommes tous au chevet de nos malades. Je recevrai très prochainement les ordres et les syndicats professionnels de ville pour les associer au changement en cours, celui de la médecine de parcours. »
Daniel Guillerm a déjà eu l’occasion de s’entretenir avec Oliver Véran avant qu’il fasse son entrée au gouvernement. « Personnellement, je l’avais trouvé très au fait des sujets et très direct dans ses positionnements, commente le président de la FNI. Il sait de quoi il parle et connaît bien la médecine de ville, ses atouts comme ses travers. On ne va pas la lui raconter et il ne devrait pas être à la merci des technos. Ce qui est plutôt une bonne chose. Néanmoins, il reste un médecin hospitalier avec le risque que l’on demeure dans un certain médico-centrisme. A lui de comprendre que la réorganisation du système de santé ne se fera pas qu’autour des médecins mais de toutes les professions en particulier du triptyque socle médecin – pharmacien – infirmier. »