VIOLENCES CONJUGALES : QUE PEUT ET DOIT FAIRE L’IDEL

En France, 219 000 femmes sont victimes de violences de la part de leur ancien ou actuel conjoint. Seules 19% d’entre elles déclarent avoir déposé une plainte. En 2018, 121 femmes ont été tuées dans un contexte de violences au sein du couple. Face à ce constat alarmant, la question du signalement et de l’accompagnement de ces victimes est devenue une priorité. Les IDEL, dans le cadre du rapport privilégié qu’ils entretiennent avec leurs patients, peuvent jouer un rôle charnière en la matière. Le tout en respectant le cadre légal et déontologique.

Parce qu’ils se rendent au domicile de leurs parents, les IDEL sont susceptibles d’être en première ligne en cas de violences conjugales : parfois témoins directs, ils peuvent aussi percevoir une ambiance et des échanges dans le couple qui ne sont pas toujours saisissables en cabinet ou à l’hôpital. Mais la crainte de briser la relation de confiance et l’obligation de secret médical peuvent interroger sur la conduite à tenir.

C’est pourquoi il est essentiel de prendre le temps de la réflexion pour considérer la situation et adopter les moyens d’action opportuns. Ainsi, le code de déontologie de la profession précise que, face à une victime de violences, les infirmiers doivent « mettre en œuvre, en faisant preuve de prudence et de circonspection, les moyens les plus adéquats pour la protéger ».

LES PROFESSIONNELS DE PREMIER RECOURS IMPLIQUES

La Haute Autorité de Santé (HAS) a, quant à elle, publié, en 2019, une recommandation de bonnes pratiques à l’intention des professionnels de santé, particulièrement ceux intervenant en premier recours. Le document invite notamment les professionnels à questionner systématiquement leurs patients, même en l’absence de signe d’alerte, à adopter une attitude empathique et bienveillante sans porter de jugement, à expliquer les spécificités des différentes formes de violences (psychologique, verbale, physique, sexuelle, économique) pour déculpabiliser le patient, à évaluer les signes de gravité, enfin, si besoin, à mettre en place des mesures de protection et à informer et à orienter la victime en fonction de la situation.

La HAS rappelle également l’importance de s’entourer d’un réseau multiprofessionnel. Pour guider en pratique les professionnels, deux fiches outils, l’une pour repérer et évaluer les situations, la seconde pour agir, sont également disponibles.

REPERER ET EVALUER LES SIGNES DE VIOLENCES

Divers signes doivent alerter et accroître la vigilance. Il peut s’agir de troubles physiques (douleurs chroniques et inexpliquées, surconsommation médicamenteuse, lésions traumatiques répétées…), psychologiques (dépression, idées suicidaires, troubles du sommeil…) ou encore sexuelles (infections génitales et urinaires à répétition, douleurs pelviennes chroniques, grossesses non désirées…). Certains facteurs associés doivent également être pris en compte tant du côté de la victime que de l’auteur des violences ou relatifs au contexte (âge, niveau d’instruction, maltraitance pendant l’enfance, dépendance financière, antécédents de violence, abus de drogues ou d’alcool, séparation conflictuelle, isolement social…). De même, convient-il de ne jamais négliger des comportements inhabituels ou inadaptés (partenaire trop impliqué, méprisant ou disqualifiant ; enfants présentant des troubles alimentaires ou des conduites à risque…).

Même en l’absence de signes d’alerte, la première étape consiste à poser des questions appropriées telles que : « Comment vous sentez-vous à la maison ? », « En cas de dispute, cela se passe comment ? », « Vous est-il déjà arrivé d’avoir peur de votre partenaire ? » etc. Il s’agit ensuite d’évaluer les signes de gravité des actes de violence (fréquence, intensité, contexte, conséquences). Il est également important de jauger la dangerosité de l’agresseur (menaces de mort, présence d’armes au domicile etc.), le retentissement sur les enfants du foyer ainsi que la vulnérabilité de la victime (grossesse, dépendance financière, isolement etc.).

CONSEILLER ET PROTEGER LA VICTIME

Il faut ensuite mettre en place au plus tôt les mesures de protection adaptées. En cas de situation jugée grave, une hospitalisation peut s’avérer nécessaire. Il ne faut pas non plus hésiter à se rapprocher d’autres professionnels de santé, notamment du médecin traitant. L’IDEL doit également informer la victime de son droit de quitter le domicile avec les enfants en le signalant à la Police et de celui de saisir en urgence le juge aux affaires familiales. L’inciter à déposer plainte est également essentiel.

En cas de situation à risque élevé, le rôle de conseil est là encore fondamental : il faut informer la victime de l’existence des différentes structures associatives, judiciaires et sanitaires qui peuvent l’aider et l’inviter à élaborer un plan de sécurité pour se protéger en cas d’urgence. En tout état de cause, la première priorité est de mettre la victime et ses enfants à l’abri du danger. Le tout sans se mettre soi-même en danger par rapport à un individu violent. L’IDEL ne doit donc pas être seul à faire cette démarche d’accompagnement et d’alerte.

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